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Eau et alimentation
L’exposition aux pesticides chimiques ne se limite pas aux agriculteurs ou aux riverains. Elle touche également les citoyens, à travers l’alimentation et l’eau potable. Des résidus de pesticides chimiques se retrouvent régulièrement dans nos fruits, légumes, céréales et eau du robinet. Comprendre leur présence est essentiel pour agir !
Une contamination généralisée des ressources en eau
Les eaux souterraines contaminées par les pesticides chimiques
Les eaux souterraines, qui fournissent près de deux tiers de l’eau potable en France, sont largement contaminées :
- 97 % des stations de contrôle présentent au moins un pesticide chimique.
- Parmi elles,1 station sur 5 dépasse les seuils réglementaires
Zeynep Sentek, Jelena Prtorić, Sarah Pilz, La crise cachée des eaux souterraines en Europe, Under the Surface, 15 mai 2024, disponible sur : Under the Surface.
Des ressources en eau potable impactées
Entre 1980 et 2019, la France a perdu 12 500 captages (points de prélèvement) d’eau potable, principalement à cause de la pollution par les pesticides chimiques et les nitrates. Un captage est un point de prélèvement d’eau destiné à la consommation humaine. En 2022, il ne restait plus que 33 000 captages, ce qui réduit considérablement les ressources disponibles, notamment en période de sécheresse.
Eau potable : une qualité non garantie
D’après les derniers chiffres diffusés par le ministère de la Santé en 2024, 25% des Français (soit près de 17 millions) ont consommé au moins une fois en 2023 de l’eau du robinet non conforme aux limites de qualité pour les pesticides chimiques..
- Ces données marquent une augmentation préoccupante par rapport aux années précédentes. À titre de comparaison, en 2022, 15,4 % de la population (10,3 millions de personnes) avait été alimentée par une eau non conforme.
Ministère de la Santé et de la Prévention, Bilan de la qualité de l’eau vis-à-vis des pesticides en 2023, disponible sur : sante.gouv.fr.
Générations Futures, Données sur la présence des pesticides dans l’eau : une contamination préoccupante, 2024, disponible sur : Générations Futures
Présence de PFAS et de métabolites potentiellement dangereux
En janvier 2025, ’UFC-Que Choisir et Générations Futures ont révélé une forte présence des PFAS (utilisés dans certains pesticides chimiques), surnommés « polluants éternels », dans l’eau du robinet. Ces substances quasi indestructibles et toxiques pour certaines d’entre elles ont été détectées dans 29 des 30 prélèvements analysés par les associations, y compris dans de grandes villes comme Paris, Lyon et Bordeaux.
Par ailleurs, selon Générations Futures, plus de 56 métabolites potentiellement dangereux échappent à toute surveillance. Parmi eux :
- DIPA (diisopropylamine) : peut atteindre 42,4 µg/l, soit 400 fois la norme autorisée.
- TFA (acide trifluoroacétique) : présent dans 94 % des échantillons analysés en Europe, avec des concentrations atteignant 1 µg/l à Paris, soit 10 fois la norme autorisée.
Générations Futures, Métabolites de pesticides : la face cachée de l’iceberg, Octobre 2024, disponible sur : Générations Futures.
Générations Futures, PFAS dans l’eau : une pollution invisible et persistante, 23 janvier 2025, disponible sur :Générations Futures.
Que sont les métabolites des pesticides ?
Lorsque les pesticides chimiques se dégradent dans l’environnement, ils forment de nouvelles molécules appelées métabolites, souvent très solubles dans l’eau et capables de persister longtemps.
Problème : ces métabolites contaminent les nappes phréatiques et l’eau potable, même après l’interdiction de la substance active d’origine.
Des résidus de pesticides chimiques dans notre alimentation
Des niveaux de contamination préoccupants
Les études menées par la DGCCRF (France) et l’EFSA (Europe) montrent une contamination généralisée dans les produits non biologiques.
- Fruits : en moyenne, 73,1 % des échantillons de fruits non bio sont concernés par la présence d’au moins un résidu de pesticides sur la période étudiée (entre 2017 et 2021).
- Légumes : en moyenne, 45,8 % des échantillons de légumes non bio sont concernés par la présence d’au moins un résidu de pesticides sur la période étudiée (entre 2017 et 2021).
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Pourcentage d’échantillons non bio avec au moins 1 résidu de pesticides quantifié sur 5 ans pour les années 2017-2021
- Cerises 93,8%
- Pamplemousses/pomelos 91,1%
- Nectarines/pêches 90,2%
- Ralsins 88.3%
- Clémentines/mandarines 87,2%
- Oranges 87,2%
- Bananes 81,9%
- Abricots 80,5%
- Fraises 78,7%
- Citrons 78,6%
- Poires 78%
- Ananas 75,8%
- Fruits de la passion 75,6%
- Pommes 68,3%
- Grenades 63,8%
- Framboise 52,6%
- Mangues 43,6%
- Myrtilles 41,7%
- Kiwis 20,1%
- Figues 16,8%
- Litchis 11,7%
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Pourcentage d’échantillons non bio avec au moins 1 résidu de pesticides quantifié sur 5 ans pour les années 2017-2021
- Céleris rave 78,3 %
- Melons 69 %
- Endives 67,7 %
- Herbes fraithes 67,3 %
- Panais 61,1 %
- Pommes de terre 60,7 %
- Carottes 59,8 %
- Haricots verts (non écossés) 55,1 %
- Salades 54,7 %
- Poivrons 54,5 %
- Radis 53,9 %
- Tomates 53 %
- Poireaux 52,1 %
- Bettes 47,4 %
- Concombres 46,5 %
- Epinards 44 %
- Aubergines 43,8 %
- Champigrons 42 %
- Petits pois écosses 39,5 %
- Oignons 39,2 %
- Ail 38,5 %
- Brocolis 32,8 %
- Courgettes 29,1 %
- Patates douces 28 %
- Choux pommés 22,1 %
- Maïs 19,4 %
- Navets 12,8 %
- Potirons 10 %
- Choux-fleurs %
- Betteraves 7,2 %
- Toprambours 2,3 %
Générations Futures, Résidus de pesticides dans l’alimentation – Rapport 2024, disponible sur : Générations Futures
ITAB (Institut de l’Agriculture et de l’Alimentation Biologiques), Quantification des externalités de l’agriculture biologique – Résumé santé, octobre 2024, disponible sur : ITAB
EFSA, Pesticide residues in food: latest figures released (2024).
Baudry et al., 2018, Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk: Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study.
Makris et al., 2019, A review of the association between human exposure to endocrine-disrupting chemicals and adverse health outcomes.
Rempelos et al., 2022, Dietary exposure to pesticide residues in relation to human health: a comprehensive review.
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Exposition aux pesticides chimiques : appelons le Ministre de la Santé à réagir !
Certains pesticides chimiques s’apprêtent à faire leur retour dans nos champs. Le Sénat a récemment adopté une proposition de loi autorisant la réintroduction de pesticides chimiques, pourtant bannis pour leur impact sur la biodiversité et la santé publique.
Ces pesticides chimiques se retrouvent dans notre alimentation, notre eau potable et l’air que nous respirons. Aujourd’hui, 97% des stations de contrôle de l’eau contiennent au moins un résidu de pesticide chimique, et près de 17 millions de français ont consommé au moins une fois en 2023 de l’eau du robinet non conforme aux limites de qualité pour les pesticides chimiques. Près des deux tiers des fruits, légumes et céréales non biologiques présentent par ailleurs des traces de ces substances, parfois au-delà des seuils légaux.
Face à cette exposition aux pesticides chimiques, il est urgent d’agir. Alors que se tient en ce moment le Salon de l’Agriculture, ce texte doit encore être examiné à l’Assemblée nationale. Nous demandons au ministre de la Santé de défendre la santé publique en s’opposant fermement à cette régression environnementale et sanitaire. Plus largement, nous demandons au Ministre d’inscrire durablement la non exposition aux pesticides chimiques dans les futures stratégies nationales sur l’alimentation et d’inscrire dans la loi un objectif de 12% de consommation de produits issus de l’agriculture biologique.